Eh bien moi, aujourd’hui, j’ai voyagé avec Roberto Ferrucci à Lisbonne. Après un petit café avec mon amie
Gessica de La Bibliothèque italienne, je me suis rendue à la librairie L’Odeur
du temps où j’ai trouvé Ces histoires qui arrivent, le dernier livre de mon ami
italien, publié par les éditions La Contre Allée. Une fois la Canebière remontée,
puis le cours Franklin Roosevelt, je me suis installée sous les rayons de ce
soleil de fin octobre qui pénétraient dans mon appartement et c’était parti. Direction Lisboa !
Un voyage à Lisbonne
Dans Ces histoires qui arrivent, Roberto
Ferrucci a choisi d’évoquer son amitié avec Antonio Tabucchi, le grand écrivain
italien tombé amoureux de la langue portugaise, expatrié à Lisbonne. Pour ce
faire, l’écrivain vénitien s’est rendu sur les traces du maître. À bord du
tramway numéro 28, il traverse « une Lisbonne étincelante »,
observant des scènes de rue, s’amusant des reflets du visage de sa compagne sur
la vitre, fouillant sa mémoire, laissant remonter à la surface les souvenirs de
ses rencontres avec Tabucchi. Un passage par le cimetière, inévitable, fera naître
quelque inquiétude, tant la présence de l’ami disparu semble alors s’imposer à son
esprit. Et pourtant, ce qui pour l’auteur revêt l’importance d’un pèlerinage et
d’un hommage prend pour le lecteur la forme d’une balade littéraire entre
Lisbonne, Venise et Paris. Les anecdotes sont nombreuses, les extraits des
livres de Tabucchi aussi, de sorte qu’on est immergé dans la pensée de l’écrivain
dont Roberto Ferrucci nous explique pourquoi elle est plus que jamais d’actualité.
Dans ce voyage à travers le temps, peu importe la chronologie, car on ne
commande pas à la mémoire, les souvenirs arrivent d’eux-mêmes. Une phrase
revient d’ailleurs comme un leitmotiv pour illustrer cette idée. Roberto
Ferrucci dit l’avoir lue chez Tabucchi, sans n’avoir jamais réussi à savoir où exactement : « Les histoires ne commencent pas et ne finissent pas, elles arrivent. »
Lire Antonio Tabucchi
En résumé, la sensibilité du regard de Roberto
Ferrucci (l’attention si particulière qu’il accorde aux gestes, par exemple) mêlée
à son admiration pour le grand écrivain font de Ces histoires
qui arrivent non seulement un voyage littéraire européen tout en apesanteur,
mais aussi la plus belle des invitations à lire – ou relire – Antonio Tabucchi.
Extrait
Quand le 28 arrive au Chiado, je regarde vers le Café A. Brasileira, même si le passage est rapide, en plein virage, et le café presque entièrement masqué par la bouche du métro. La terrasse est bondée, comme d’habitude, et la statue en bronze de Pessoa assis à sa table disparaît derrière de petits groupes de badauds qui la photographient et d’autres qui attendent leur tour, alors que nous, hier, nous n’avons pas voulu, nous ne nous sommes même pas approchés, nous l’avons seulement regardée d’un peu moins loin que maintenant, et c’était comme si à cet instant précis, plutôt que dans un documentaire d’il y a quelques années, j’avais vu Antonio Tabucchi passer pour de vrai à côté de la statue en bronze assise à la terrasse du café, comme si je l’avais vu tendre la main et caresser la tête de Pessoa avec un geste semblable à celui qu’il a reçu de Tirsa plus tôt au Cemitério dos Prazeres.
Auteur : Roberto Ferrucci
Traducteur : Jérôme Nicolas
Édition : La Contre Allée, 2017